Le Net en toute sécurité...
 



Il m'aura fallu plus d'un mois pour mettre en ligne ce petit compte-rendu qui a été rédigé le soir du 6 décembre 2000, dans le train qui me ramenait chez moi en Lorraine. Avec le recul, je pense que ce séminaire réservé à un public trié sur le volet a été une vraie réussite, même si les thèmes abordés auraient souvent mérité d'être plus développés. Je vous présente mes impressions personnelles sous la forme (un peu maladroite, peut-être) d'un journal de bord, afin que vous puissiez comprendre un peu mieux le contexte et le déroulement de ce colloque...

séminaire Transfert :
les nouvelles technologies
menacent-elles
la vie privée ?

Paris La défense, 6 décembre 2000, 12h15.
Arrivée à la Grande Arche de la Défense. Bon sang, c'est vrai qu'elle est grande !
Il pleut à sceaux et je me glisse fissa jusqu'à la salle des Sources d'Europes où doit se tenir le colloque.
Je suis accueilli par une charmante hôtesse qui me remet un badge nominatif (avec deux erreurs dans l'orthographe de mon nom, mais bon). Top professionnalisme.
On m'apprend que mon intervention, originellement prévue pour 16h 15, a été repoussée à 17h 15...
Je me faufile discrètement par une porte arrière afin d'assister au débat en cours.

le cadre international :
entre règlement et autorégulation

Un avocat d'un grand cabinet parisien est en plein discours.
Zut ! Mon stylo ne marche pas !
J'ouvre fébrilement mon sac et laisse tomber bruyamment un dossier.
Hum. Pardon.

- Anne Carblanc, magistrat détaché de l'OCDE (en savoir plus), chargé du dossier "Vie privée et Internet", prend la parole. Cette femme charmante, qui s'exprime avec facilité aborde deux points très intéressants :
1) Selon elle, l'OCDE serait décidée à faciliter dans l'avenir le règlement des plaintes en ligne, en assumant un rôle de médiateur entre particuliers et entreprises indélicates. Il était temps d'y penser !
2) Le site de l'OCDE propose aux sociétés que cela intéresse un "Générateur de politique de respect de la vie privée" (CLIQUER ICI).Un système interactifà vocation essentiellement éducative. Malheureusement seulement en anglais... Une façon comme une autre d'inciter les patrons de la "nouvelle économie" à se poser les bonnes questions dans un domaine sensible.

- Meryem Marzouki, présidente de l'IRIS (en savoir plus) et chercheuse au CNRS s'installe sur l'estrade. Visiblement déterminée, Mme Marzouki attaque d'emblée le projet de réglementation concernant la cybercriminalité que le Conseil de l'Europe devrait adopter en juillet 2001. Un projet scandaleux, qui ne respecte ni le droit à la vie privée, ni même la déclaration des droits de l'homme !
Au menu : perquisitions informatiques et interceptions des connexions selon le bon vouloir des forces de l'ordre de la Communauté. Encore une fois, la soi disant "virtualité" du Grand Réseau semble pouvoir excuser tous les excès en matière de sécurité. A suivre de près.

Paris La défense, 6 décembre 2000, 13h15. Pause repas.
J'adore ce genre de buffet mondain avec saumon, petits fours et champagne. Transfert a décidément bien fait les choses...
J'en profite pour aborder Mme Carblanc de l'OCDE afin de lui poser une question épineuse :
- Mais à quoi peut donc bien servir votre générateur de politique "machin" ?
L'aimable magistrate m'explique alors qu'en plus d'éduquer les entreprises en ligne, ce générateur leur permet de concevoir un texte complet à intégrer à leurs sites. Un texte qui les engage d'une certaine façon, puisqu'il peut faire l'objet de plaintes en cas de non respect de ses termes.
Mme Carblanc me rappelle ensuite que L'OCDE - qui regroupe près de 30 pays (pour un peu moins de 2000 employés) - a vocation à chercher des solutions consensuelles, plutôt que restrictives.
S'ensuit alors un mini débat à bâtons rompus sur le Safe Harbor Pact que les États-Unis appliquent depuis quelques semaines. Ce dispositif réglementaire non contraignant s'apparente à une sorte de code de bonne conduite destiné aux entreprises sur Internet. Devant ma moue dubitative, mon interlocutrice insiste : "Plus il y aura d'entreprises qui adhéreront spontanément à ce code, plus les consommateurs en ligne auront la possibilité de faire la différence entre les sociétés qui veulent jouer le jeu et les autres." Or, il ne faut pas oublier qu'aux USA les associations de consommateurs sont des lobbies très puissants tout à fait susceptibles de mettre à l'index les compagnies suspectes...
Espérons que ça marche !

Paris La défense, 6 décembre 2000, 14h15.

traitement des données personnelles :
techniques et enjeux commerciaux

Les intervenants de ce débat sont impressionnants, jugez plutôt : Cécile Moulard (directrice générale d'Amazon.fr), Louise Cadoux (ancienne vice-présidente déléguée de la CNIL), Philippe Guillanton (directeur général de Yahoo ! France), Bernard Siouffi (délégué général de la Fédération de la Vente à Distance).
Bien sûr, Amazon va rapidement être attaqué à propos de son changement de politique en matière de données personnelles (depuis quelques semaines la société s'est arrogée le droit de revendre comme elle l'entend les informations concernant sa clientèle), mais ce n'est pas ce qui m'intéresse aujourd'hui. Je vais d'ailleurs piaffer pendant près d'une heure avant de pouvoir poser LA question qui me tient à coeur :
- Combien de cas de "piratage" la France a-t-elle connu en matière de transmission cryptée du numéro de carte bancaire d'un client ?
(En clair : Combien de Français se sont-ils fait subtiliser leur numéro de CB au moment où ils validaient leurs achats sur un site de vente en ligne ?)

Après quelques instants de réflexion, les réponses finissent par arriver. Elles sont étonnantes :
- On n'a pas de chiffres à ce sujet.
- Nous savons que c'est techniquement possible, mais aucun cas n'a été recensé.
- Le paiement en ligne en mode sécurisé est un peu plus sûr que le règlement par le biais d'un terminal CB dans un magasin classique.

Conclusion : ce vieux serpent de mer repris régulièrement par les médias pour épouvanter l'honnête Internaute relève plus du sensationnalisme que du produit d'une véritable réflexion ! Il serait peut-être temps que les vendeurs en ligne communiquent sur ce point...
On me confirme, par la même occasion, que la grande majorité des litiges en matière de paiements en ligne est liée à des sites indélicats (ex.: pornographiques, casinos, etc.) qui ont surfacturé leurs clients.

Paris La défense, 6 décembre 2000, 16h10. Pause café.
Rencontre avec Jean-Marc Manach de Transfert. Sympa. Il me présente Serge Piasek, PDG de flowprotector.com, qui m'apprend que son logiciel de sécurité gratuit (essayez-le !) est 7ème dans la liste des téléchargements les plus populaires du site download.com. Chapeau !
En regagnant ma place, j'aborde ma voisine qui, selon son badge, travaillerait à la Sorbonne. Elle m'explique qu'elle passe sa vie entre Extrême-Orient et USA. "En Asie, la notion de vie privée n'a pas vraiment de sens. C'est une culture très différente de la nôtre. Aux USA, en revanche, il existe une sorte de vision "protestante" des choses. Les vendeurs se veulent naturellement vertueux et ne comprennent pas les soupçons qui pèsent sur eux."

Paris La défense, 6 décembre 2000, 17h.

Traitement des données personnelles :
de l'éthique à la technologie

On se met à pinailler sur divers problèmes techniques et, à un certain moment, le débat risque de virer au conflit entre spécialistes réseaux (passionnant, mais pas vraiment à l'ordre du jour). A 17h 45 on me passe finalement le micro. Je suis censé répondre à une question relative à la compatibilité entre éthique et commerce. J'élude pour aborder le problème des espiogiciels (spywares) qui n'a pas été évoqué une seule fois au cours de la journée !
Louise Cadoux (ex CNIL) me relance sur le thème "Le dégonflement du Nasdaq n'annonce-t-il pas un retour aux valeurs économiques traditionnelles ?" Je ne peux qu'abonder en insistant sur le fait que la pseudo "Nouvelle Économie" n'a jamais été plus qu'une extension électronique de "l'ancienne." Les règles du commerce sont restées les mêmes, en dépit des possibilités offertes par les technologies nouvelles.

Paris La défense, 6 décembre 2000, 18h15 Fin du colloque.

Je remercie de tout cœur Christophe Agnus, directeur de la publication de Transfert, pour son invitation à cette très intéressante (quoique trop courte) journée et je file attraper mon train.
Il pleut toujours.


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